10 juillet 2022, 15H30. Je quitte les rives du lac Léman pour une aventure qui continuera de me faire rêver longtemps après mon retour. L'objectif ? Rejoindre la Méditerranée en trail, par des chemins détournés. Du hors-sentiers devrais-je dire, puisque l'esprit de la Trans'Alpes est d'évoluer au plus proche des glaciers, des pierriers aux lignes de crêtes oubliées.
Les compétitions ne m'ont jamais vraiment attiré. Pourtant l'esprit d'aventure et l'amour des Alpes façonnent ma vie. Comme un aimant je me suis rapproché des montagnes depuis ma méditérannée natale. J'ai réalisé quelques fantasmes de montagnards aussi : escaladé le Cervin la plus belle montagne du monde, skié le Mont-Blanc, découvert les joies de l'escalade, et exploré le Pamir en Asie Centrale.
Mais la vérité c'est que ce qui me rend le plus heureux, et de loin, c'est de traverser des montagnes au pas de course. Se gaver de paysages et être dans le mouvement, minimaliste. Sans interfaces avec la montagne, on se sent en meilleure connexion avec elle.
Réaliser une traversée Léman -> Méditerranée en trail par la Trans'Alpes représente donc la quintessence de ce qui me fait vibrer : L'autonomie, l'absence de superflu, des terrains techniques au possible, des nuits en refuges, sans oublier des couchers de soleils en pagaille... Et la Méditerranée de mon enfance comme horizon.
Les premiers jours : Trail, mais chill.
En partant du lac Léman dans l'après-midi j'ai en tête de m'arrêter pour la nuit au refuge de la Dent d'Oche, qui domine le lac depuis un piton rocheux et assure une vue mémorable. Voilà ma conception de l'esthétique. C'est assez étrange, dès les 1ers kilomètres j'ai l'impression d'être sur une sortie trail classique, faisant partie de mon quotidient. La seule différence étant que je ne connais pas le terrain et la chaleur écrasante me fait m'arréter à chaque point d'eau "au cas où".
Cette 1ère étape ne m'aura pas déçue. À tel point que ce moment, et le massif du Chablais, resteront comme un coup de coeur de cette traversée.
Dès les premiers kilomètres le lendemain je suis surpris de la technicité du terrain. Il va être difficile d'avancer avec aisance sur cette étape. Je vois bien la vallée en contrebas où je suis sensé aller, mais visiblement le créateur de l'itinéraire a choisi les crêtes exposées plutôt que les GR traditionnels.
Ce n'est qu'un prélude de ce qui m'attend. En réalité cette journée sera plutôt "roulante" en comparaison des 20 jours à venir.
Les jours suivants, je m'arrête quand j'ai envie pour une sieste dans les alpages, une baignade dans un cours d'eau ou un Coca à la terrasse d'un refuge. Je n'ai pas de contraintes en terme de délai, et je ne vois pas cette aventure comme un challenge.
D'ailleurs les messages du style "bonne chance pour ton DÉFI" m'exaspèrent (même si j'apprécie l'intention). C'est comme si tout devait être performance et conquête en montagne, et à fortiori en trail et que je suis mis dans cette case où je ne me reconnais pas. Parfois j'ai l'impression que mon entourage ne comprend pas que je fais les choses pour ce qu'elles sont : Parce que c'est beau, parce que je suis heureux là haut, et que je cours pour le mouvement.
Cependant à la fin de la 1ère semaine je réalise n'avoir jamais autant parcouru de kilomètres et de dénivelé dans ce laps de temps.
Des montagnes et des potes.
Si ce type d'aventure peut sembler être solitaire, je retiens que les plus beaux moments sont ceux qui ont été partagés.
Je pense notamment à la soirée au refuge du col de Balme. Ce refuge situé pile sur la frontière Franco-Suisse offre une des plus belles vues sur le Mont-Blanc. Il est tenu par Henry, que je connais depuis des années. C'est d'ailleurs avec son fils Pierre que j'ai été au sommet du Mont-Blanc pour la première fois. J'aurai pû dormir chez moi, aux Houches non loin de là, mais il était hors de question de retourner dans la vallée. Ca aurait été comme sortir de cette parenthèse, sortir de cette immersion en pleine nature.
Des amis, parmi les plus proches, m'ont donc rejoint au col de Balme pour la soirée. Je ne m'attendai pas à voir autant de monde faire le déplacement, beaucoup étant en pleine saison de travail.
Un peu plus loin à Tignes, Jean-Baptiste me rejoindra pour partager 3 jours à courir sur cette Haute-Route. J-B est guide de haute montagne (allez voir son site d'ailleurs pour vos aventures verticales), et particulièrement doué en escalade. J'avoue, que lui même vienne constater la technicité du terrain m'aura bien fait plaisir !
D'ailleurs au moment où JB m'a rejoint, mon corps était en pleine adaptation à cet effort continu, avec des bonnes douleurs dans les pieds. Le soutien fut grandement apprécié !
Mon frère m'a également rejoint dans le Queyras pour une soirée en gîte. Merci à lui de m'avoir ravitaillé en nouvelles chaussures !
On aurait pu croire que le partage allait aussi être avec les randonneurs rencontrés sur l'itinéraire ? Absolument pas ! Sur les 21 jours de traversée j'ai dû rencontrer 4 personnes réalisant le même itinéraire. Exception faite des personnes avec qui je partageais mes repas en refuges.
Finalement, pas si tranquille que ça
J'ai beaucoup de gratitude envers tout ce qui m'est arrivé pendant cette traversée des Alpes occidentales.
Comme si tout l'engrenage était en place, sans grains de sables, pour me faire vivre pleinement cette expérience. J'ai notamment toujours pu réserver mes nuits en refuges quasiment du jour au lendemain. À l'exception du refuge des Merveilles, dans la vallée du même nom dans le Mercantour. Je savais que ce refuge est hyper populaire. Ça a été le dernier avant la mer. J'ai donc cherché à réserver en avance... Pour finalement prendre la dernière place disponible sur un créneau de deux semaines ! Le problème ? C'est qu'il me fallait encore traverser du nord au sud tout le massif du Queyras, de l'Ubaye, de l'Argentera et du Mercantour. Soit parcourir en une semaine 255km et 17 500D+, sur un terrain d'une technicité telle qu'il serait inenvisageable d'y organiser une course de trail.
Et vous savez quoi ? Ça s'est très bien passé. C'est fou ce que le corps s'adapte, parfois au-delà de ce que la logique voudrait nous imposer. Je ne comprends toujours pas comment et pourquoi le corps ne s'est à aucun moment senti en sur-régime sur cette dernière semaine. (J'ai quand même une hypothèse : la dose hallucinante de calories que j'ingurgitais à chaque refuge ou village traversé, couplée aux 2 semaines précédentes qui ont permis une adaptation du corps)
Infos pratiques
Pour celles et ceux qui se demandent comment une telle traversée peut s'organiser en trail, sans support logistique, voici quelques éléments de réponse :
Pour les nuitées : En refuges donc.
Pour la nourriture : Le soir, compris dans la pension. La journée le pique-nique consommé était demandé au refuge la veille, et complété par les autres établissements rencontrés sur l'itinéraire, dans la mesure du possible. Des barres chocolatées et cacahuètes étaient achetées dans les rares villages traversés.
Pour l'hygiène : Une douche chaque soir (les refuges se sont modernisés) et une lessive à la fin de chaque étape. Le rituel.
Quel matériel ? Un sac de trail de 8 litres hyper optimisé : Tout y était pour traverser des tempêtes en altitude.
Des imprévus ? Oui, le filtre à eau dont le pas de vis m'a lâché les premiers jours. Un autre a été commandé sur internet et livré dans un commerce sur ma route. Je suis également tombé malade, ce qui m'a valu une journée d'arret forcé.
Quelle distance / Dénivelé ? 650km et 45 000D+ Mais honnêtement ça ne veut pas dire grand chose sur ce type de terrain.
Les moments clés
Le 1er coucher de soleil au refuge de la Dent d'Oche
La montée au "Pas du Taureau" depuis la Suisse, vers les Dents Blanches, où j'ai vraiment compris l'esprit de cette Haute-Route (encore que avec du recul, c'était loin d'être la partie la plus technique)
La venue des amis au col de Balme !
Et celle de mon frère vers Abriès
Le début du 19ème jour : 10km en 4h00 sans prendre de pause, ça devenait n'importe quoi tous ces pierriers.
La "Crête des glaciers" dans le Mercantour
Tous ces instants de bonheur en montagne, apportés par l'ambiance chaotique de l'itinéraire et les paysages. Impossible de choisir un moment en particulier, c'est un ensemble.
Le dernier sommet avant la mer à la mémoire de Patrick BERHAULT
Conclusion
J'espère que cette expérience poussera certains à repenser le trail, comme une discipline poussant à l'Aventure avec un A. Le trail ce n'est pas que des datas et des dossards, c'est avant tout une connexion entre soi et la montagne.
N'hésitez pas à me contacter ou à laisser un commentaire pour toutes questions ou remarques sur cette Trans'Alpes. Et si l'aventure vous tente, je peux partager mon expérience, organiser et assurer votre sécurité pour vous faire vivre des moments forts en montagne !
Par exemple: Le Grand Tour de la Vallée de Chamonix en Trail
Bon run !
Olivier, Guide Trail & Trekking
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